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Les débours d’une saisie avant jugement sur biens meubles : à qui la note ?

Dernière mise à jour : 4 déc. 2022

La saisie avant jugement est un outil procédural de droit civil que le législateur québécois met à disposition de tout demandeur alléguant la crainte objective que le recouvrement de sa créance soit compromis.


C’est à l’article 518 du Code de procédure civile que le législateur prévoit les conditions nécessaires afin d’obtenir une saisie avant jugement.


« Le demandeur peut, avec l’autorisation du tribunal, faire saisir avant jugement les biens du défendeur, s’il est à craindre que sans cette mesure le recouvrement de sa créance ne soit mis en péril. »


Dans la décision Sylvestre Vins et spiritueux inc. c. Miglianico (2016 QCCS 6203[1]), la Cour supérieure évoque trois conditions doivent être réunies pour ce faire :


1) une créance valide et existante ;

2) des faits et des actes concrets qui mettent en péril le recouvrement de cette créance ; et

3) une crainte objective de cette mise en péril.


Ce critère est rappelé par le Juge Michel Yergeau dans Rober Fer et métaux, s.e.c. c. Charest qui cite à son tour une jurisprudence de 1991 mais toujours autant pertinente dans les termes suivants : « (…) les faits allégués dans la déclaration doivent prouver que des manœuvres douteuses, déloyales, louches ont été faites dans le but de soustraire les biens du défendeur saisi à l’exécution du jugement à venir. Cette position est renforcée par une décision plus récente dans Pavage Desrochers et Cie inc. c. Osez Propulser inc.


Bien que la saisie avant jugement reste une mesure exceptionnellement permise par le juge, il n’en demeure pas moins que lorsqu’elle est autorisée, ses conséquences sont immédiates et financièrement importantes.


Aux strictes fins de ce billet, j’ai choisi de centre mon analyse sur la saisie mobilière avant jugement et les frais qui en découlent, le tout, dans le contexte d’une demande de sauvegarde.

Les saisies avant jugement sont régies par le titre premier du 6éme livre du Code de procédure civile aux articles 516 à 523.


Au niveau jurisprudentiel, il faut mentionner les affaires suivantes :


Dans Bishop c. Cristofaro, la Cour d’appel a jugé qu’un saisissant est responsable du paiement des frais de garde jusqu’à l’adjudication finale quand aux dépens et que le gardien des biens saisis peut s’adresser au tribunal pour obtenir le paiement de ses débours.


Dans Caisse Desjardins c. 9090-2420 Québec inc., le juge de première instance a décidé qu’en attendant l’issue de son procès, le saisissant est responsable du paiement des frais de garde jusqu’à adjudication finale.


Il faut rappeler qu’en vertu du Code de procédure civile et comme réitéré dans l’affaire Démolition et excavation Demex inc. c. HSB International (6745016 Canada ltée), 2012 QCCS 6192, les frais du gardien et sa rémunération tels que taxés font partie des frais de justice, lesquels ont colloqués au premier rang lors de la distribution des argents provenant de la vente (art. 615 et 616 C.pc.).


Dans 9185-4067 Quebec inc. c. Express Finance Investisment inc., les défenderesses réclamaient le paiement des frais d’entreposage de ses biens meubles saisis avant jugement en raison de l’immobilisme et négligence de la demanderesse-saisissante. En l’espèce, cette dernière a fait saisir avant jugement plusieurs biens immeubles et meubles appartenant aux défenderesses et notamment du mobilier de bureaux ainsi qu’un véhicule de luxe.


Or, depuis l’introduction de l’instance, la demanderesse n’a procédé au paiement d’aucun frais de saisie relatifs aux biens appartenant aux défenderesses. En trois ans, les déboursés pour l’entreposage du mobilier de bureaux représentaient un montant de 19 955,18 $ tandis que les frais pour le véhicule haut de gamme dépassaient le cap des 25 000,00 $.


Considérant l’inaction caractérisée de la demanderesse, l’Honorable Marie-Claude Armstrong a donc condamné cette dernière à payer la totalité des frais d’entreposage du mobilier de bureaux et précisé qu’il reviendra au juge du fond de statuer sur la responsabilité ultime du paiement. Cependant, la Juge a refusé de forcer le paiement des frais liés au véhicule prétextant l’absence d’urgence (contrairement au gardien du véhicule, l’entrepôt où se trouvaient les meubles réclamait sous demeure le paiement de son dû).


Enfin, il est à noter que la demanderesse-saisissante a tenté d’en appeler de l’ordonnance susmentionnée, mais sa demande de permission a été rejétée en l’absence d’un préjudice irrémédiable selon l’article 31 du C.p.c.


Au regard de la jurisprudence précitée, quelques remarques s’imposent :


Une saisie avant jugement devrait-elle être d’une durée limitée dans le temps, et ce, surtout lorsqu’un demandeur-saisissant s’affère à multiplier les procédures incidentes et/ou demander des prolongations de délais ? une saisie mobilière avant jugement devrait-elle pouvoir être suspendue ou annulée lorsque le saisissant fait défaut d’acquitter les frais qui en découlent ? Devrait-il y avoir une procédure e reconduction annuelle ou biannuelle d’une saisie avant jugement ? Devrait-il y avoir une limite, en termes de valeur, de biens saisissables par personne physique ou morale ?


Des modifications du Code de procédure civile à la section relative aux saisies avant jugements (articles 516 et suivants) seraient peut-être les bienvenues à ce stade afin d’éclaircir les zones d’ombres.


Ayant conscience de la complexité de la question pour un non initié, notre cabinet Boavista services juridiques reste à votre entière disposition pour tout questionnement ou représentation en la matière.




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